AU FIL DES SEMAINES > L’ACTU – Comment travaillera-t-on dans les années 2050?
Télétravail, coworking, empowerment… La façon dont on travaille se transforme à vue d’œil aujourd’hui-même, à tel point qu’on a parfois du mal à suivre le rythme. À quoi ressemblera-t-il au juste demain? Et après-demain? Vous comme moi, nous aimerions bien le savoir, histoire de ne pas être complètement déphasé.
Des experts en management se le sont demandés le plus sérieusement du monde. Ce qui s’est traduit par la publication d’un numéro exceptionnel du magazine Travail & Changement, titré «Le travail en 2053». Il en ressort que l’avenir est rempli, d’après moi, de belles promesses…
> Fini le bureau. La notion de « lieu de travail » comme on la connaît aujourd’hui sera devenue obsolète d’ici une quarantaine d’années. «Le « lieu de travail » aura disparu, et ce pour quasiment toutes les catégories professionnelles. Dans les années 2010, le phénomène ne concernait que certains métiers intellectuels. Mais rapidement cela va englober le monde industriel : les usines sans personnel seront alors la norme», prédit Philippe Durance, prospectiviste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
Un sondage – mené l’an dernier par la chaire Immobilier et Développement durable sous la supervision de la professeure Nappi-Choulet auprès de 492 étudiants de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), l’une des écoles les plus prestigieuses en France – abonde dans le même sens. Il en ressort en effet que :
– Seulement 15% de ceux-ci pensent que, demain, ils ne travailleront qu’à leur bureau;
– 31% d’entre eux croient qu’il leur arrivera de travailler régulièrement dans un café;
– 35% d’entre eux pensent qu’il leur arrivera de travailler régulièrement dans les transports;
– 54% d’entre eux considèrent qu’il leur arrivera de travailler régulièrement dans un espace de coworking;
– 55% d’entre eux estiment qu’il leur arrivera de travailler régulièrement chez eux.
«Demain, le travail sera ancré dans l’utopie, au premier sens du terme, à savoir l’absence de lieu», souligne M. Durance.
> Place au collectif. «Dans les décennies à venir, nous allons assister à la généralisation progressive des processus de décisions collectives au sein des entreprises. Ce sera là l’un des effets collatéraux de la révolution numérique que nous connaissons aujourd’hui», dit Amandine Brugière, chef de projets, à la Fondation Internet Nouvelle Génération (Fing). Et de marteler : «Rien ne pourra fonctionner qui ne soit conçu, décidé, validé, évalué de manière commune».
Une vision corroborée par celle de Blanche Segrestin, professeure à Mines ParisTech et coauteure du livre Refonder l’entreprise (Seuil, 2012) : «Au mitan du 21e siècle, l’entreprise sera redevenue un espace de travail collectif, dont les grandes forces seront la cohésion et la projection dans la durée, qui sont des conditions indispensables à l’innovation et à la compétitivité. Et le management aura renoué, par voie de conséquence, à sa mission de développer les moyens collectifs permettant de mener à bien les projets entrepris».
«Les collectifs de travail auront retrouvé de leur substance par l’écrasement des lignes hiérarchiques et les effets de réseaux», ajoute M. Durance. Et de lancer : «On dépassera le Small is beautiful par le Network is beautiful».
> Renouveau du management. «Très malmenés dans les années 2010, les managers intermédiaires verront leur quotidien au travail s’améliorer, en partie grâce au fait qu’ils auront alors les moyens de favoriser l’autonomie des salariés. Ils ne seront plus une simple courroie de transmission, mais de vrais acteurs du changement et de la performance globale», dit Hervé Garnier, secrétaire national du syndicat CFDT.
«Les managers intermédiaires joueront un nouveau rôle : ils veilleront avant tout au succès des projets initiés par le collectif des salariés. Ils seront pleinement associés aux décisions et aux réflexions liées à l’organisation du travail, et par suite, ils connaîtront moins de situations « entre deux feux », qui sont aujourd’hui à l’origine de leur malaise professionnel», ajoute Maryse Dumas, conseillère du syndicat CGT.
«Le management ne sera plus un simple mandataire des seuls actionnaires : son nouveau statut lui redonnera la légitimité et l’autorité pour conduire des projets à long terme», résume Mme Segrestin.
> Adieu la retraite. «Demain, le travail ne sera plus tant un besoin alimentaire qu’une quête d’accomplissement», dit Hervé Lanouzière, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Du coup, la notion de « retraite » va aller en s’effilochant. D’autant plus que le corps humain va vraisemblablement de moins en moins ressentir le poids du temps, grâce aux futures avancées technologiques et médicales. «Bientôt, on ne parlera même plus de retraite. Passé la soixantaine, nous nous sentirons libres de participer à notre guise à la société, aussi longtemps que nous le permettront notre corps et notre tête», croit Mme Dumas.
C’est carrément notre rapport au temps qui est appelé à muter. «On réalisera que, contrairement à ce qu’on pense aujourd’hui, rapidité n’est pas synonyme de sagesse. La rapidité est, en fait, un frein. Un frein au consensus. Un frein au dialogue-même, qui est l’ADN de la vie au travail», estime M. Lanouzière. Bref, on apprendra à mieux savourer l’instant présent.
Voilà. Oui, voilà à quoi devrait ressembler le travail non pas demain mais après-demain. Et vous? Qu’en pensez-vous? Ces prédictions vous paraissent-elles plausibles?
Olivier SCHMOUKER (Chroniqueur au journal Les affaires)
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