AU FIL DES JOURS > L’IMAGE DU JOUR – Un vent nouveau souffle sur la gastronomie cubaine

La gastronomie cubaine vit une petite révolution dans la foulée des réformes du président Raúl Castro et de l’explosion du tourisme dans l’île. Et bientôt, le régime traditionnel porc-riz-haricots noirs pourrait être supplanté par une cuisine plus équilibrée.

Tomates, laitues, concombres, aubergines, choux… Ramón Alfonso, 65 ans, découvre la cuisine végétarienne au bistrot privé Bohemia, dont la courette ombragée et les salades variées séduisent les promeneurs de la Plaza Vieja, dans le centre historique de La Havane.

Les assiettes sont colorées, savoureuses et peu caloriques, une aubaine lorsqu’en période estivale le mercure affiche souvent 35 degrés à la mi-journée.

« C’est ma première expérience en tant que végétarien », assure Ramón. « C’est très bon. Je ne sais pas si je vais continuer, car je n’y suis pas habitué, mais je sais que c’est mieux pour la santé et l’environnement. »

Les formules légères et fraîches séduisent notamment de nombreux touristes lassés des habituels plats de viande « vaca frita » et « ropa vieja » — filaments de veau ou de boeuf marinés dans une sauce à la tomate puis sautés — ou encore des « chatinos », fritures souvent très grasses, à la carte de la plupart des restaurants cubains.

Dans la salle d’apprentissage du restaurant Artechef, Eddy Fernandez verse un mince filet d’huile dans sa poêle, des poivrons coupés en fines lanières, de l’oignon et de l’ail écrasés. La viande de boeuf est précuite. Un passage rapide au feu, une touche de vin sec, et sa version légère de la « vaca frita » est prête à déguster.

Ce chef de 53 ans, également président de la Fédération culinaire de Cuba, forme de nouveaux cuisiniers « en respectant l’authenticité cubaine […] mais avec peu de gras, moins de sucre, moins de sel et plus de fruits et légumes ».

Car la malnutrition est un problème récent mais déjà préoccupant à Cuba, où 45 % de la population de plus de 15 ans présente des problèmes de surpoids, et 12 % d’obésité, selon des données officielles.

Récente évolution

Un parfum de romarin inonde la cuisine du Versus 1900. Devant son piano de cuisson, un jeune cuisinier de 23 ans, Alain Prieto, prépare du veau en s’inspirant d’une recette péruvienne.

À ses côtés, son collègue Omar Gil, de dix ans son aîné, prépare une « tempura », des légumes sautés à la japonaise. « Les gens commencent à manger différemment, plus raffiné », constate-t-il.

L’Italienne Annalisa Gallina, 37 ans, est arrivée à Cuba en 2013 pour cuisiner au Bohemia. Jusqu’à récemment, explique-t-elle, la salade était seulement considérée comme « une sorte de décoration » par les gens de la place, qui préfèrent consacrer le gros de leur budget à la viande plutôt qu’aux légumes quand ils le peuvent.

Pour un Cubain, si dans son assiette « il n’y a pas de riz, pas de haricot noirs et surtout pas de viande, il n’y a rien à manger », caricature Annalisa Gallina.

Elle dit toutefois constater une évolution récente, inspirée notamment par les centaines de milliers de Cubains ayant voyagé à l’étranger depuis la suppression en 2013 des restrictions de voyage par Raúl Castro.

En outre, l’ouverture de l’économie aux petits entrepreneurs privés a permis à certains d’accroître leur pouvoir d’achat et ainsi d’aspirer à une meilleure alimentation.

Le principal défi des tenants de la gastronomie cubaine est aujourd’hui de répondre à la demande des près de quatre millions de touristes attendus en 2016. Des centaines de restaurants privés entendent capter une partie de la manne.

Au Versus 1900, Alain Prieto et Omar Gil exposent avec fierté leurs produits bio : tomates cerises, raisins secs, fraises… tous cultivés à Cuba.

« Nous avons un jardin potager, les légumes de cette assiette sont cultivés ici même, sans engrais, sans rien », assure Alain Prieto. D’autres restaurants privés s’associent, eux, à des agriculteurs bio privés pour attirer touristes, expatriés et Cubains en quête de nouveauté.

Certains innovent pour surprendre : le Café Bohemia a ainsi étonné de nombreux clients en leur proposant du jus de goyave… au poivre noir et au basilic.

« Il faut profiter de tout ce qu’il y a à Cuba », assure Annalisa, tout en préparant un petit fagot carotte-gingembre-ananas avec une tige d’herbe.

Non loin de là, les serveurs d’un restaurant étatique quasiment vide se languissent, désarmés devant la concurrence des 1700 restaurants privés (« paladares ») de l’île, souvent de bien meilleure qualité.

Lucide, le gouvernement a converti certains de ses restaurants en coopératives et a entrepris d’en louer d’autres à des particuliers.

Illustrant le nouvel engouement local pour la gastronomie, les émissions de télévision, de radio et les sites Internet de recettes se multiplient et se diversifient.

« Aujourd’hui, chacun peut s’asseoir dans un parc où il y a une connexion wifi[payante] et télécharger une recette d’un site de cuisine. Nous pouvons enrichir notre savoir-faire facilement et continuer d’améliorer la cuisine cubaine », dit Alain Prieto.

Le Devoir

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