VIVRE AILLEURS – Être femme de militaire
« Je suis femme de militaire, nous sommes basés en Allemagne dans un régiment franco-allemand. Mon mari est allé en Afghanistan pendant cinq mois en OPEX. On se dit : pas de quoi bouleverser une vie ! Et pourtant… quel changement. Avant de le rencontrer, j’étais assistante en ressources humaines dans une société en Alsace, un métier passionnant mais très prenant jusqu’au jour où je l’ai rencontré.
Au début de notre relation pas de problème, je pouvais très bien concilier les deux. En semaine, il était dans son régiment, moi je travaillais, il venait en France tous les week- end, et repartait le lundi matin très tôt. Cinq mois plus tard, sa première OPEX (opération extérieure) tombe, cinq mois d’absence, mais surtout cinq mois d’angoisse, il est certain qu’une OPEX dans un pays en pleine guerre civile, ça ne rassure pas. Au bout de quatre mois et 21 jours exactement (hé oui, on compte même les jours), enfin le retour ! Entre temps, j’ai vraiment connu une période de grande déprime : son absence, l’angoisse, le stress de mon travail n’ont pas aidé à mon épanouissement personnel. Mais il est enfin là. Les entreprises ne sont pas conciliantes il m’a fallu donc faire un choix. Les solutions sont apparues très clairement, soit je continue à travailler mais dans ce cas adieu la vie de couple ou alors je mets ma vie professionnelle entre parenthèses pour profiter de son retour, construire un avenir, prendre cette décision en ayant les cartes en mains, sachant qu’il y aura d’autres OPEX, des manœuvres, des stages, c’est certain le temps nous manquait, j’ai donc fait le choix mettre en sommeil ma vie professionnelle et croyez moi c’est une toute nouvelle vie.
Dans un premier temps j’ai continué à vivre en France et lui en Allemagne, il faisait sans cesse des allers retours, mais chaque semaine c’était toujours la même histoire, le déchirement de le voir repartir, j’ai donc déménagé en Allemagne à mon tour, pour enfin avoir une vraie vie de couple et pour profiter au maximum des moments que nous pourrions partager, et j’ai fini par changer de vie, et de pays… Et la deuxième OPEX arrive, cinq mois en Afghanistan, je dois déménager seule et me voila donc embarquée dans un pays que je ne connais pas, avec aucune connaissance sur place, je dois donc m’adapter seule.
J’ai personnellement la chance d’avoir un homme formidable qui prend soin de moi, qui attache de l’importance à mon bonheur, et quelque soit les changements que j’ai fait dans ma vie pour lui, il me le rend mille fois plus. C’est clair que c’est un choix de vie qui n’est pas simple et il y a des conséquences positives ou négatives.
Mettre en suspens sa vie professionnelle
En effet toutes les femmes de militaire sont confrontées à ce choix à un moment donné. On met sa vie de côté, on vit par rapport à l’autre et surtout il y a l’ennui ! Je pense que c’est le pire ennemi des femmes de militaire… Quand on travaille et qu’on s’arrête, il y a des journées entières à combler et c’est terriblement long, sans oublier qu’on perd également une indépendance financière.
Les gens qui ne vivent pas dans un tel contexte, on souvent du mal à comprendre, et reprochent souvent aux femmes de ne vivre que par rapport à leur maris. A ces propos il y a néanmoins une réponse, on ne vit pas par rapport à eux, mais par leur métier. Quand on vit avec un militaire, il faut accepter de vivre avec l’armée, elle rythme la vie des militaires mais celle de leur femmes également. Les femmes de militaire n’ont pas été forcées de vivre ainsi mais elles l’ont accepté, chacun est libre de ses choix et de ses actes.
Oui, la grande institution qui est l’armée rythme nos vies…
Les absences et les éloignements
Les absences sont lourdes à gérer, on entend souvent dire : « mais de quoi vous plaignez vous il y a la contrepartie financière »
Certes, l’aspect économique est important l’armée paie bien les militaires qui partent loin de leur famille (quoi que je pense que le prix d’une vie n’est pas à définir). Mais il y a un tout autre aspect à gérer, il faut réapprendre à vivre seule à chaque départ. Des gestes quotidiens ; se coucher seule, faire ses courses seule, bricoler seule… Il faut assumer deux rôles à chaque fois et s’adapter à chaque retour pour que les hommes reprennent la place qu’ils occupaient avant le départ. Il faut aussi apprendre à gérer un arrêt brutal de tendresse, d’amour et d’affection. Mais toutes ces étapes forgent un caractère, et pendant les absences, on peut découvrir de nouvelles passions, des nouveaux centres d’intérêt, créer des liens avec de nouvelles personnes, qui sont bien souvent des femmes de militaires également, car elles comprennent mieux ce qu’est l’éloignement, et il y a l’entraide, c’est important. Les absences des hommes permettent de créer une forme d’équilibre qui peut parfois être bénéfique et peuvent rendre plus forte car on découvre qu’on peut s’assumer seule même si ce n’est pas par choix.
J’ai personnellement perdu beaucoup d’amies dans le « civil ». Il est souvent difficile pour les personnes extérieures de comprendre, en effet, que pendant les absences, les femmes de militaires sont disponibles pour leurs amies, elles en ont le temps et en ont besoin, mais quand arrive le retour des hommes, effectivement elles partagent avec eux chaque instant, comme pour rattraper le temps perdu, car on le sait très bien… Ils repartiront…
Pendant les absences, il ne faut pas faiblir, il faut rester forte, il faut assumer pour ne pas perdre tout ce qui a été construit.
Personnellement j’essaye toujours de le rassurer au maximum, car pour lui les absences sont dures à vivre aussi, souvent coupé du monde et de leur famille, il se préoccupe de ce qui se passe dans ma vie.
Vivre l’éloignement et les risques liés à son métier
« Pourvu qu’il revienne entier » en voilà une angoisse et de taille ! Pendant toutes les OPEX, on se dit pourvu qu’il ne lui arrive rien, pourvu que tout se passe bien. Moi j’ai une trouille terrible à chaque fois, j’ai du mal à dormir, je scrute toujours une nouvelle aux informations télévisées ou sur Internet, j’attends des appels et je cours tous les jours à ma boîte aux lettres, espérant avoir un signe qui pourrait me rassurer.
Je n’ai pas d’enfant pour l’instant, mais comment ne pas penser aux femmes qui en ont : gérer l’éducation seule, envisager de vivre une partie de sa grossesse seule et même accoucher sans la présence de son homme, des étapes souvent difficiles à traverser à deux, alors imaginez seule et en plus d’avoir en tête que le papa ou le futur papa est entrain de risquer sa vie à l’autre bout de la terre. Une grande douleur pour le père aussi, le fait de ne pas être là pour le grand moment et les plus beaux instants.
C’est un choix de vie que j’ai fait et que j’assume en sa totalité, même si c’est difficile, je suis très heureuse de pouvoir partager des moments précieux avec mon homme quand il est là… et il me le rend si bien…Il est certes en Afghanistan mais je n’attends qu’une chose c’est son retour, celui pour lequel on se prépare cinq mois à l’avance pour qu’il soit parfait et à chaque fois c’est comme une nouvelle histoire qui commence.
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