AU FIL DES SEMAINES > LE SYMBOLE – La couleur Noire

Contre-couleur du Blanc, le Noir est son égal en valeur absolue. Comme le blanc il peut se situer aux deux extrémités de la gamme chromatique, en tant que limite des couleurs chaudes comme des couleurs froides; selon sa matité ou sa brillance, il devient alors l’absence ou la somme des couleurs, leur négation ou leur synthèse.

Symboliquement, il est le plus souvent entendu sous son aspect froid, négatif. Contre-couleur de toute couleur, il est associé aux ténèbres primordiales, à l’indifférencié originel. En ce sens il rappelle la signification du blanc neutre, du blanc vide, et sert de support à des représentations symboliques analogues, telles que les chevaux de la mort, tantôt blancs, tantôt noirs. Mais le blanc neutre et chthonien est associé, dans les images du monde, à l’Axe Est-Ouest, qui est celui des départs et des mutations, tandis que le noir se place, lui, sur l’Axe Nord-Sud, qui est celui de la transcendance absolue et des pôles. 

Selon que les peuples placent leur enfer et le dessous du monde vers le Nord ou vers le Sud, l’une ou l’autre de ces directions est considérée comme noire. Ainsi le Nord est-il noir pour les Aztèques, les Algonkin, les Chinois, le Sud pour les Maya, et le Nadir, c’est-à-dire la base de l’axe du monde pour les Indiens Pueblo.

Installé ainsi au dessous du monde, le noir exprime la passivité absolue, l’état de mort accomplie et invariante, entre ces deux nuits blanches où s’opèrent, sur ses flancs, les passages de la nuit au jour et du jour à la nuit. Le noir est donc couleur de deuil, non point comme le blanc, mais d’une façon plus accablante. Le deuil blanc a quelque chose de messianique. Il indique une absence destinée à être comblée, une vacance provisoire. C’est le deuil des Rois et des Dieux qui vont obligatoirement renaître: le Roi est mort, vive le Roi ! correspond bien à cette cour de France où le deuil se portait en blanc.

Le deuil noir, lui, est, pourrait-on dire, le deuil sans espoir. Comme un rien mort après la mort du soleil, comme un silence éternel, sans avenir, résonne intérieurement le noir, écrit Kandinsky. Le deuil noir c’est la perte définitive, la chute sans retour dans le Néant : l’Adam et l’Eve du zoroastrisme, abusés par Ahriman, s’habillent de noir lorsqu’ils sont chassés du Paradis. Couleur de la condamnation, le noir devient aussi la couleur du renoncement à la vanité de ce monde, d’où les manteaux noirs qui constituent une proclamation de foi dans le Christianisme et l’Islam : le manteau noir des Mawlavi – les Derviches tourneurs – représente la pierre tombale. Lorsque l’initié le quitte pour entreprendre sa danse giratoire, il apparaît vêtu d’une robe blanche qui symbolise sa renaissance au divin, c’est-à-dire la Réalité Véritable : entre-temps les trompettes du jugement ont sonné.

Couleur de deuil en Occident, le noir est à l’origine le symbole de la fécondité, comme dans l’Égypte ancienne ou en Afrique du Nord : la couleur de la terre fertile et des nuages gonflés de pluie 

En Égypte, d’après  Horapollon, une colombe noire était le hiéroglyphe de la femme qui reste veuve jusqu’à sa mort. Cette colombe noire peut être considérée comme l’éros frustré, la vie niée. On sait la fatalité manifestée par le navire aux voiles noires, depuis l’épopée grecque jusqu’à celle de Tristan.

Mais le monde chthonien, le dessous de la réalité apparente, est aussi le ventre de la terre où s’opère la régénération du monde diurne. Couleur de deuil en Occident, le noir est à l’origine le symbole de la fécondité, comme dans l’Égypte ancienne ou en Afrique du Nord : la couleur de la terre fertile et des nuages gonflés de pluie écrit Jean Servier dans « L’homme et l’invisible ». S’il est noir comme les eaux profondes, c’est aussi parce qu’il contient le capital de vie latente, parce qu’il est le grand réservoir de toutes choses : Homère voit l’Océan noir.

Les Grandes Déesses de la Fertilité, ces vieilles déesses-mères, sont souvent noires en vertu de leur origine chthonienne : les Vierges noires reconduisent ainsi Isis, les Athons, les Déméter et les Cybèle, les Aphrodites noires. Orphée dit, selon Portal : je chanterai la nuit, mère des dieux et des hommes, la nuit origine de toutes choses créées, et nous la nommerons Vénus. Ce noir revêt le ventre du monde, où, dans la grande obscurité gestatrice, opère le rouge du feu et du sang, symbole de la force vitale. D’où l’opposition fréquente du rouge et du noir sur l’Axe Nord-Sud, ou, ce qui revient au même, le fait que rouge et noir peuvent apparaître comme deux substituts, ainsi que le fait remarquer J. Soustelle à propos de l’image du monde des Aztèques.

D’où aussi la représentation des Dioscures montés sur deux chevaux, l’un noir et l’autre rouge, sur un vase, également décrit par cet auteur, le costume de Camillus, le grand psychopompe des Étrusques, qui a le corps rouge, mais des ailes, des bottines et une tuniques noires.

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